Une fière tradition d’aide aux entreprises canadiennes pour réussir sur les marchés mondiaux
Durant la dernière moitié du XIXe siècle, il n’était pas facile pour les entreprises canadiennes de vendre des produits en Australie. Le temps nécessaire et la distance à parcourir, sans compter les nombreux facteurs inconnus comme la demande du marché et l’application potentielle de nouveaux droits de douane, constituaient des obstacles de taille pour les entreprises ayant peu de ressources ou de relations dans cette partie du monde.
Dans les années 1870 et 1880, le gouvernement du jeune dominion avait montré un intérêt pour le développement des marchés internationaux en envoyant des missions commerciales dans les Caraïbes, au Mexique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. En 1889, le ministère des Finances avait commencé à aider les Canadiens à commercialiser leurs produits à l’étranger en publiant un bulletin commercial et en embauchant, trois ans plus tard, des employés recrutés sur place à titre d’agents commerciaux à temps partiel. Ces agents ont travaillé dans des pays et des régions comme les Antilles, le Japon et la Chine dans le but de trouver des clients pour le poisson, le bois d’œuvre et d’autres ressources naturelles du Canada.
John Larke, 1893 : de la collection d’archives du Musée d’Oshawa A000.1.49
Le ministère du Commerce a été créé en 1892 sous la direction du ministre Mackenzie Bowell, qui a dirigé une délégation commerciale fructueuse en Australie l’année suivante. Pendant son séjour en Australie, il a entendu les appels lancés pour que le Canada affecte un agent commercial dans la région en vue de répondre aux « demandes de renseignements incessantes »
sur les possibilités d’exportation pour les entreprises canadiennes. Les échanges commerciaux avec l’Australie se feraient par l’intermédiaire du chemin de fer Canadien Pacifique, qui venait d’étendre son service jusqu’à la côte ouest du Canada. Les cargaisons commerciales, comme le bois d’œuvre, les boiseries et le poisson, allaient remplir des navires à vapeur qui feraient le trajet entre les deux pays.
John Larke, un ancien propriétaire de journaux d’Oshawa, en Ontario, quitta le Canada pour Sydney, en Australie, en décembre 1894 et arriva le 8 janvier 1895 à titre de premier délégué commercial permanent du Canada, devenant ainsi le premier représentant commercial à l’étranger. À son arrivée, il était chargé de développer le marché des produits canadiens en Australie et en Nouvelle‑Zélande, ainsi que de dresser une liste de fournisseurs canadiens, de promouvoir les ventes dans la région et de faire rapport à Ottawa sur les conditions du marché.
« Je ne connais personne d’autre au Canada que Larke qui soit aussi bien placé pour occuper ce poste »
, a déclaré Bowell, qui est devenu premier ministre du Canada en 1894. « Il est enthousiaste à l’idée d’élargir le commerce extérieur du Canada... C’est également un orateur hors pair, et il pourrait faire énormément de bien en s’adressant aux chambres de commerce et à d’autres organismes »
, dit O. Mary Hill dans son livre intitulé Canada’s Salesman to the World: The Department of Trade and Commerce 1892‑1939.
C’est ainsi qu’a vu le jour le Service des délégués commerciaux du Canada (SDC).
Le Service des délégués commerciaux en Australie, aujourd’hui
Encore aujourd’hui, l’Australie est un important marché d’exportation pour le Canada, affirme Marc‑André Hawkes, l’actuel délégué commercial principal à Sydney, en Australie. En 2018, les entreprises canadiennes y ont vendu pour 2 milliards de dollars de marchandises variées, comme des pièces d’avion, du matériel électrique, des véhicules et des pièces automobiles ainsi que des instruments scientifiques et de précision. Le Canada exporte également des services en Australie, notamment des services financiers, professionnels et d’ingénierie, dont la valeur s’est chiffrée à 1,6 milliard de dollars. De plus, les investissements privés canadiens en Australie ont totalisé 32 milliards de dollars. L’Australie est la huitième destination en importance pour ce type d’investissement dans le monde en provenance du Canada, et de loin la plus importante dans les régions de l’Asie et de l’Océanie.
Les relations diplomatiques entre le Canada et l’Australie ont officiellement débuté en 1939, et les deux pays « ont toujours entretenu de solides relations commerciales », affirme M. Hawkes. Celui‑ci note qu’« il y a encore un grand potentiel de croissance », surtout depuis l’adoption du nouvel Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Le SDC compte 3 bureaux en Australie, un à Sydney, un à Canberra et un autre à Brisbane, où travaillent 3 délégués commerciaux canadiens et 10 délégués commerciaux recrutés sur place. Chaque année, ils aident quelque 300 entreprises canadiennes et dirigent jusqu’à une douzaine de missions commerciales dans ces villes. Ils coordonnent également la participation du Canada à de grandes foires et expositions commerciales, et font la promotion du Canada en tant que destination de choix pour l’investissement direct étranger.
Des délégués commerciaux furent bientôt envoyés aux Antilles, en Afrique du Sud, en Grande‑Bretagne et en France, alors que des agents à temps partiel travaillaient en Norvège, au Japon, au Mexique, en Argentine et en Uruguay. Sur une période de 15 ans, le Canada a ouvert d’autres bureaux commerciaux en Chine, au Brésil, à Cuba, en Colombie, aux Bahamas, en Jamaïque, à Trinité‑et‑Tobago ainsi qu’à Terre‑Neuve, province qui ne faisait pas encore partie du Canada.
« Le réseau s’est étendu très rapidement »
, affirme Greg Donaghy, ancien chef de la section historique d’Affaires mondiales Canada et maintenant directeur du Bill Graham Centre for Contemporary International History à l’Université de Toronto.
« Le commerce international est la force vitale du Canada, et ce, depuis le jour où nous avons commencé à pêcher la morue dans le golfe du Saint‑Laurent et à trapper des animaux à fourrure »
, explique M. Donaghy, qui a rédigé et révisé un certain nombre de livres et d’essais sur l’histoire politique et internationale du Canada.
Dans le cadre de ses fonctions, M. Larke se rendait dans des centres de fabrication et de commerce pour bâtir des relations avec les acheteurs locaux et pour se renseigner et faire rapport sur les besoins des différents marchés. En Australie, il a réussi à stimuler la vente d’une gamme variée de produits canadiens, notamment des produits du coton, des roues et des pièces de bois pour les voitures à chevaux et même des aliments pour le petit déjeuner.
Marc‑André Hawkes, l’actuel délégué commercial principal à Sydney, fait remarquer que les méthodes de M. Larke « n’étaient pas très différentes de celles utilisées par le SDC d’aujourd’hui »
dans ce marché lointain. « M. Larke a encouragé les entreprises canadiennes à faire des visites en personne en Australie et a lancé une campagne de relations publiques pour mieux faire connaître le Canada aux Australiens. »
À la fin des 15 années de service de M. Larke en tant que délégué commercial en Australie, le SDC avait désormais une influence considérable dans le monde entier. Les exportations canadiennes sont passées de 106 millions de dollars en 1896 à 274 millions de dollars en 1911. De fait, les plus fortes augmentations ont été observées dans les pays où des délégués commerciaux étaient en poste, selon le livre d’O. Mary Hill. Mme Hill fait remarquer que l’objectif de la politique commerciale du pays était de se tailler une place sur les marchés de l’empire d’abord et sur ceux qui n’en faisaient pas partie ensuite.
« Nous étions un pays dont la perspective et l’orientation étaient très largement britanniques »
, affirme M. Donaghy, précisant que « si les relations diplomatiques étaient considérées comme un domaine réservé à la mère patrie britannique, le commerce et sa promotion étaient considérés comme étant une extension de notre autonomie nationale. »
Lorsque le ministère des Affaires extérieures, le volet de la politique étrangère de l’actuel ministère des Affaires mondiales du Canada, a été mis sur pied en 1909, des accords commerciaux avaient déjà été négociés avec huit pays européens, ainsi qu’avec la Nouvelle‑Zélande et le Japon, et 21 agents commerciaux avaient été affectés dans 16 pays autour du monde. Le nombre de délégués commerciaux s’est porté à 24 en 1922 puis à 34 en 1931. Aujourd’hui, le SDC opère dans plus de 160 bureaux à travers le monde, avec un personnel de plus de 1 000 délégués commerciaux.
Depuis les premiers liens établis par John Larke, le SDC est demeuré au cœur de la prospérité du Canada. Le rôle central qu’ont continué d’exercer les délégués commerciaux du Canada est resté plus ou moins le même, soit de tisser des relations commerciales internationales et d’échanger des renseignements sur les exportations.
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