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Une entreprise met une île des Caraïbes sous un nouveau jour

Lorsque le gouvernement de l’île d’Aruba, dans le sud des Caraïbes, s’est mis en quête de remplacer les lampadaires vieillissants en 2010, les habitants ont commencé à voir la lumière de plus d’une façon.

Un fournisseur d’Halifax en Nouvelle-Écosse, LED Roadway Lighting Ltd., proposait un produit unique qui remplacerait les lampes à vapeur de sodium haute pression traditionnelles d’Aruba par des dispositifs à diodes électroluminescentes (DEL). La technologie DEL consomme moins de la moitié de l’énergie requise, dure quatre fois plus longtemps et produit une meilleure qualité d’éclairage.

Même s’il s’agissait là d’arguments convaincants pour le gouvernement de l’île d’Aruba, une île néerlandaise située dans les Petites Antilles, le produit était nouveau, son coût initial était plus élevé que celui de la technologie existante et la petite entreprise du Canada atlantique était peu connue sur le marché — des défis courants dans le secteur naissant des technologies propres.

C’était pour le Service des délégués commerciaux du Canada (SDC) le bon moment d’entrer en scène. Les délégués commerciaux d’Halifax, ainsi que ceux de Caracas au Venezuela (où se trouve le bureau responsable de l’île d’Aruba) et de La Haye aux Pays-Bas ont commencé à aider l’entreprise privée à faire valoir son produit prometteur. Des représentants canadiens à La Haye supervisent les relations politiques avec ce pays insulaire.

Des renseignements à l’appui ont été fournis, des réunions ont eu lieu et des lettres de hauts fonctionnaires canadiens ont été rédigées dans le cadre d’un processus qui s’est étendu sur plusieurs années et qui a finalement permis de convaincre le service public d’électricité d’Aruba d’aller de l’avant avec les nouvelles lampes de LED Roadway.

« Il s’agissait d’une approche à plusieurs volets », explique Jeff Libis, vice-président mondial des ventes de l’entreprise, qui estime que le Service des délégués commerciaux a joué un rôle prépondérant dans le succès international de LED Roadway. « Le SDC a fait un travail remarquable pour pénétrer ces marchés clés et faire valoir les avantages de faire affaire avec le Canada. »

Aruba a choisi d’organiser un projet pilote en 2012, comportant 500 lampes à DEL de l’entreprise LED Roadway. En 2015, l’île a converti le reste de son réseau de lampadaires, et plus encore, pour un total de 12 000 dispositifs d’éclairage, ce qui représentait un contrat d’une valeur de plus de 6 millions de dollars. Non seulement le gouvernement de l’île a fait remplacer tous les lampadaires par des dispositifs à DEL, mais il a également utilisé les économies ainsi réalisées par la baisse de la consommation d’énergie et des frais d’entretien pour étendre la technologie afin qu’elle couvre environ 20 % de l’île, dans des secteurs où il n’y avait aucun éclairage la nuit.

« Il y a un monde de possibilités pour les entreprises canadiennes des technologies propres, en particulier en vertu du cadre et des ressources que le gouvernement du Canada a mis à leur disposition », explique M. Libis.

L’entreprise était à l’origine un atelier de fabrication et de conception d’appareils électroniques sous contrat d’approvisionnement à Amherst, en Nouvelle-Écosse, et elle s’appelait alors C-Vision Ltd. C’est en 2006 que son fondateur, Chuck Cartmill, a développé l’idée d’un lampadaire à DEL. Un projet pilote local faisant appel à la technologie a été réalisé avec l’aide de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique et d’un organisme gouvernemental de la Nouvelle-Écosse, Nova Scotia Business Inc. L’entreprise s’est ensuite mise en quête de clients.

Renseignements sur les lampadaires DEL

Leur fonctionnement

Le dispositif à DEL n’est pas une ampoule, mais un dispositif à semi-conducteurs. Il comprend une série de diodes électroluminescentes et un bloc d’alimentation dans un boîtier en fonte d’aluminium. Dans un mât d’éclairage à tête de cobra typique, la tête est enlevée et remplacée par le nouveau dispositif DEL.

Bien que les coûts d’investissement initiaux des DEL soient beaucoup plus élevés que ceux des lampes traditionnelles à vapeur de sodium haute pression, elles génèrent des économies substantielles au cours de leur cycle de vie.

Assombrir le ciel nocturne

Quiconque a survolé une ville la nuit ou a regardé les étoiles depuis son jardin en ville a pu constater l’effet des lampadaires sur le ciel nocturne. Les lampes à vapeur de sodium haute pression diffusent la lumière dans l’air, ont des points chauds autour d’elles, comme on peut le voir d’en haut, et brillent dans les chambres à coucher et d’autres endroits non désirés sur le sol. Il en résulte un gaspillage de lumière et d’énergie pour produire cet éclairage.

Les lampadaires à DEL dirigent le faisceau le long de la chaussée ou du trottoir, réduisant ainsi la pollution lumineuse.

L’éclairage s’estompe

Contrairement aux ampoules conventionnelles qui comportent filaments, ballasts et lentilles qui peuvent éclater, griller et cesser subitement de fonctionner, les dispositifs à DEL ne brûlent en général pas, mais voient leur puissance lumineuse s’estomper avec le temps, s’affaiblissant au fil des ans. Ils finissent par se dégrader à un point tel que la décoloration est perceptible à l’œil et qu’il faut remplacer le dispositif.

La plupart des lampes à vapeur de sodium haute pression sont calibrées de telle sorte que 50 % des dispositifs s’éteignent après cinq ans. Les lampadaires de LED Roadway sont toutefois conçus pour maintenir la puissance lumineuse requise pendant 20 ans avant d’être remplacés.

Aujourd’hui, LED Roadway exporte son produit dans 66 pays aux quatre coins du monde, dont 20 se situent dans la seule région des Caraïbes, ce que M. Libis attribue à la réussite du projet à Aruba, et l’entreprise est en croissance. « La moitié de nos activités se déroulent au Canada et l’autre moitié, à l’étranger », dit-il. L’entreprise compte 250 employés à son siège social à Halifax et à son usine de fabrication à Amherst et possède des usines de fabrication régionales et des partenaires dans le monde entier.

Au-delà du fait que les lampadaires sont peu énergivores, durables et respectueux de l’environnement, l’entreprise s’est également tournée vers de nouvelles utilisations « vertes » de cette technologie, comme l’installation de dispositifs de contrôle sans fil sur ces appareils, destinés à surveiller leur consommation d’énergie. Les lampadaires peuvent être équipés de capteurs qui mesurent la circulation, par exemple, ou qui permettent de réduire l’intensité ou de couper l’éclairage lorsqu’il n’y a pas de mouvement sur une route, permettant ainsi de réaliser des économies d’énergie supplémentaires. Des réseaux de ces lampadaires omniprésents deviennent également l’épine dorsale fonctionnelle des réseaux des « villes intelligentes ». On peut en effet équiper les lampadaires de récepteurs pour recueillir des données, comme des compteurs d’électricité, d’eau et de gaz, pour chaque résidence dans un quartier.

Tout a commencé par l’analyse de rentabilité de la technologie à Aruba. M. Libis fait remarquer que dans de nombreux cas, les projets de première ligne dans le domaine des technologies propres se trouvent dans les pays en développement, dont l’infrastructure est « quelque peu désuète » et doit être mise à jour, souvent avec l’aide d’institutions financières internationales ou de banques multilatérales.

Selon lui, un atout est que l’éclairage de rue est répandu et considéré comme un service essentiel. « L’éclairage de rue nous touche de près, ce qui a des répercussions importantes », dit-il, par opposition aux technologies propres installées dans un site d’enfouissement ou une usine d’épuration des eaux usées. « L’adoption de la technologie DEL entraîne de bonnes relations publiques; c’est une infrastructure que les électeurs peuvent voir. »

Un délégué commercial à Caracas, Victor Stott, a prêté mainforte aux efforts déployés par LED Roadway à Aruba en 2010, lorsque les responsables évaluaient diverses technologies pour moderniser leurs lampadaires. Le SDC a réagi en proposant une collaboration au nom de LED Roadway. En sa qualité de délégué commercial chargé de venir en aide aux entreprises canadiennes du secteur des transports (les « technologies propres » ne représentaient pas encore un secteur à part entière), M. Stott a découvert qui étaient les principaux intervenants à Aruba. Il s’est alors mis en quête de l’information technique nécessaire et il a fait la promotion de LED Roadway en la présentant comme une entreprise fiable et offrant des produits de qualité. Ces caractéristiques de l’entreprise ont été renforcées dans une lettre d’appui de l’ambassadrice du Canada à La Haye, qui était adressée au réseau public de distribution d’électricité.

« En montrant qu’une entreprise est reconnue au Canada, on lui donne un coup de pouce supplémentaire, quel que soit le projet », explique M. Stott. « Le projet de remplacement des lampadaires est en outre arrivé au bon moment puisqu’Aruba, dont l’économie est très dépendante du tourisme, faisait à ce moment-là des promesses ambitieuses liées à l’utilisation d’énergies renouvelables, souligne-t-il. Le gouvernement s’est engagé dans la bonne voie […] Aux yeux des touristes, l’empreinte écologique est un concept de plus en plus important. »

M. Stott conseille aux entreprises canadiennes des technologies propres « d’avoir une bonne équipe de recherche-développement disposant d’un produit bien mis au point, qui dame le pion à ses concurrents ». Selon lui, il est également essentiel d’être présent sur les marchés cibles et de faire preuve de patience. « Si vous êtes à l’affût de changements rapides, vous devriez peut-être changer de domaine. »

M. Libis précise que la stratégie d’exportation de LED Roadway vise à s’aligner sur le SDC ainsi que sur Exportation et développement Canada (EDC) et la Corporation commerciale canadienne (CCC) afin de pénétrer de nouveaux marchés, de cerner des partenaires potentiels et d’entrer en relation avec les clients. « Ces ressources sont d’une valeur inestimable d’un marché à l’autre, fait-il remarquer. Nous ne nous serions pas rendus dans 66 pays en sept ou huit ans seulement sans le concours du SDC, d’EDC et de la CCC. »

Il admet que l’un des grands défis que les entreprises canadiennes des technologies propres doivent relever, c’est le délai requis pour vendre leurs produits et services étant donné que ceux-ci ont de longs cycles de vie. « Les clients sont toutefois plus sensibilisés à la technologie et prennent des décisions plus rapidement, mais au début, on partait à zéro », explique-t-il.

L’analyse de rentabilité des technologies propres consiste à calculer le « coût total de possession », ce qui signifie qu’il faut énoncer les avantages de la technologie, comme une durée de vie plus longue des dispositifs DEL, une consommation d’énergie moindre et des caractéristiques d’éclairage améliorées. « Vous en tirez le plus de valeur possible et faites profiter le client des économies qui en résultent, explique M. Libis. Vous ne pouvez pas vous concentrer uniquement sur le prix initial. »

Il est essentiel d’attirer l’attention des clients potentiels et de mettre l’accent sur différentes façons de parvenir à concrétiser leur analyse de rentabilisation. « C’est la façon d’évaluer le prix. De notre point de vue, notre produit est le plus économique parce que vous obtenez de la valeur au fil du temps », explique M. Libis.

« La moitié de la victoire consiste à se faire entendre par les clients, dit-il. C’est là que le SDC et d’autres ressources du gouvernement canadien entrent en jeu. »

Selon M. Libis, LED Roadway estime que les clients potentiels à l’échelle internationale sont particulièrement impressionnés lorsqu’ils apprennent à connaître le Canada atlantique, qu’il s’agisse de la technologie propre innovante qui a été développée dans cette région ou de l’amabilité de ses habitants. « Si nous pouvons les convaincre de venir au Canada et qu’ils apprennent à connaître Halifax et visiter nos installations, ils deviendront nos clients dans l’avenir […] Le taux de succès est de pratiquement 100 % », dit-il.

« Je suis toujours impressionné par la réception qu’obtient le Canada, fait-il remarquer. Le pays a une image et une réputation incroyables sur le marché international. Le fait que nous soyons une entreprise canadienne nous confère un avantage énorme à mesure que nous prenons de l’essor sur le marché d’exportation. »

Selon Allison MacKenzie, la déléguée commerciale pour les technologies propres dans la région de l’Atlantique, « les technologies propres demeurent essentiellement un secteur émergent, mais il est en plein essor et il arrive souvent que des entreprises canadiennes évoluant dans des secteurs traditionnels y trouvent leur place. Par exemple, ces entreprises peuvent se concentrer sur l’amélioration de l’efficacité énergétique, la réduction de l’impact sur l’environnement et l’ajout de réseaux intelligents dans des produits et des services existants.

« Les technologies propres, et l’amélioration connexe du monde dans lequel nous vivons, offrent une multitude de possibilités, dit-elle. Il n’y a aucune limite. » Mme MacKenzie fait toutefois remarquer que les petites entreprises canadiennes peuvent avoir beaucoup de difficulté à sortir de la phase de recherche-développement pour prendre de l’expansion, à avoir accès à des capitaux et à finalement commercialiser leurs produits. « Le SDC est là pour les soutenir et pour leur ouvrir des portes dans la mesure du possible ».

« Il est également important que l’entreprise continue d’innover et d’élargir son champ d’action, ajoute-t-elle. LED Roadway est passée d’une entreprise d’éclairage public efficace à une entreprise qui joue un rôle essentiel dans les villes intelligentes et les réseaux intelligents. »

M. Libis constate qu’il y a parfois un « facteur de nouveauté » dans son entreprise qui est à l’avant-garde d’une technologie comme les lampadaires intelligents à DEL. « J’ai entendu beaucoup de commentaires selon lesquels il est vraiment agréable de voir les représentants d’une entreprise canadienne faire des présentations, dit-il. Partout où nous allons, nous sommes bien accueillis, les portes nous sont ouvertes, et nous découvrons des pays souhaitant travailler avec des entreprises et des technologies canadiennes. »

« Le produit de LED Roadway présente “des avantages quantifiables et mesurables ainsi que des avantages sociaux” à Aruba », affirme M. Libis. En effet, on a montré dans un documentaire comment les nouvelles lampes à DEL avaient transformé des quartiers auparavant sombres la nuit. « Les gens ont commencé à sortir de chez eux et à s’asseoir sur leur pelouse et leur balcon, à parler et à apprendre à se connaître, explique-t-il. Ils éprouvaient un sentiment de sécurité. Ce projet a créé un tissu social qui n’existait pas auparavant. »

En plus des avantages économiques et sociaux immédiats, « l’un des avantages du domaine des technologies propres, c’est que vous offrez une valeur ajoutée à l’économie mondiale et au monde en général, dit M. Libis. Vous faites partie d’un secteur d’activités qui a lui aussi un énorme potentiel de valeur ajoutée. »

LED Roadway continue d’explorer des possibilités dans d’autres parties des Caraïbes. Ainsi, l’entreprise travaille actuellement à mettre sur pied un nouveau projet de la Trinité, et elle est active ailleurs, entre autres sur les marchés de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique. L’entreprise canadienne a constaté un intérêt renouvelé pour ses produits en Europe, qui livre une concurrence féroce mais est devenue « plus ouverte à notre entreprise » dans le cadre du nouvel Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

Selon M. Libis, la technologie DEL continue d’évoluer, avec l’augmentation de la puissance lumineuse, les gains en efficacité et la fiabilité accrue des lampadaires que son entreprise produit chaque année, de sorte qu’il est plus important que jamais pour les services publics d’investir dans ses plateformes d’éclairage modulaires.

« Le succès du projet de LED Roadway à Aruba demeure une véritable référence, fait remarquer M. Libis. Il y a maintenant des représentants du réseau public de distribution d’électricité d’Aruba qui se rendent partout dans le monde pour faire connaître le succès obtenu avec cette entreprise canadienne. M. Libis souligne aussi que trois autres entreprises canadiennes des technologies propres ont trouvé un marché pour leurs produits à Aruba, dans la foulée du projet de LED Roadway.

M. Libis espère que le succès enregistré par la technologie de LED Roadway ailleurs dans le monde ouvrira d’autres débouchés aux entreprises canadiennes des technologies propres. « C’est formidable d’interagir sur le marché mondial et d’y faire valoir la technologie développée au Canada », fait-il remarquer.

« Je suis fier d’être un artisan de cette évolution canadienne sur la scène mondiale dans le secteur des technologies propres, ajoute-t-il. Le degré de confiance, la réputation, les pratiques commerciales, l’éthique des affaires et l’innovation [...] L’image de marque du Canada est solide. »

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