Recherche

Les technologies de valorisation du carbone sont un secteur prometteur pour le Canada

Les technologies qui transforment les déchets de carbone en produits et services de valeur sont très prometteuses pour les innovateurs canadiens dans le domaine des technologies propres et de l’énergie, grâce à une initiative soutenue par le Service des délégués commerciaux (SDC) à New York.

Les technologies de valorisation du carbone, également connu en anglais sous le nom de « carbon-to-value » (C2V), est un secteur industriel émergent qui fournit une valeur marchande au carbone, créant ainsi une incitation économique à capturer et à convertir le dioxyde de carbone (CO2) en produits utilisables. Cette approche est meilleure que le rejet de CO2 dans l’atmosphère.

« Les technologies de valorisation du carbone pourraient être un secteur d’avenir pour le Canada », déclare Ian Philp, responsable de l’énergie et de l’environnement au SDC de New York. Selon lui, en développant son industrie naissante des technologies de valorisation du carbone, le Canada peut résoudre plusieurs « problèmes existentiels ».Des défis tels que comment stimuler la croissance en cette période difficile, comment se concentrer sur l’intensité de carbone de nos industries nationales des combustibles fossiles et comment faire face aux changements climatiques.

Les technologies de valorisation du carbone représentent un débouché économique lucratif, avec un marché estimé à 1 700 milliards de dollars par an aux États‑Unis et à 6 000 milliards de dollars par an dans le monde. Ce marché devrait permettre de réduire les émissions de CO2 de 7 gigatonnes par an. Cela profitera à des secteurs aussi divers que les combustibles, la production de ciment, les gaz industriels et les plastiques, ainsi que des applications à créneaux comme les cosmétiques, les aliments et les boissons.

Le Canada joue un rôle de chef de file dans l’industrie du C2V

Le Canada, par l’intermédiaire de son consulat général à New York, dirige l’initiative « Carbon to Value », nouveau programme soutenu par la New York State Energy Research and Development Authority (NYSERDA) et conçu pour commercialiser et déployer rapidement les innovations des jeunes entreprises de technologies de valorisation du carbone. Selon M. Philp, le programme est une collaboration entre les grandes entreprises, le gouvernement, les experts de l’industrie et les organisations non gouvernementales. L’initiative « Carbon to Value » vise à construire l’écosystème d’activités et de partenariats dont les petits innovateurs en matière de technologies du carbone ont besoin pour prospérer.

Le Canada est un membre fondateur du Carbontech Leadership Council du programme, un groupe composé de cadres supérieurs d’entreprises, d’universités et de gouvernements conçu pour favoriser les possibilités de commercialisation des technologies de valorisation du carbone.

L’essentiel est de mettre en place des solutions à l’échelle et d’en accélérer le développement de manière rentable, explique M. Philp. Il note que les jeunes entreprises manquent souvent d’expérience pour travailler avec les grandes entreprises afin de présenter et d’adapter leurs technologies pour qu’elles s’intègrent dans les chaînes d’approvisionnement industrielles. Pendant ce temps, les grandes entreprises cherchent toujours à comprendre ce que font les innovateurs et comment cela pourrait améliorer l’efficacité de leurs processus de production, ajoute M. Philp. « La participation à l’initiative C2V peut contribuer à combler ces lacunes. »

L’Accélérateur technologique canadien aide les innovateurs canadiens à percer le marché

Molly Rafelson, déléguée commerciale de l’Accélérateur technologique canadien (ATC) à New York, qui a déjà aidé de jeunes entreprises dans des domaines tels que les technologies propres, note qu’un certain nombre d’innovateurs canadiens s’implantent dans ce secteur sur des marchés comme les États‑Unis.

Jennifer Wagner
Jennifer Wagner, présidente de CarbonCure Technologies Inc., de Dartmouth, en Nouvelle‑Écosse
Photo : Courtoisie de CarbonCure Technologies Inc.

Citons par exemple CarbonCure Technologies Inc. de Dartmouth, en Nouvelle‑Écosse, un chef de file mondial dans les technologies de capture et d’utilisation du carbone pour le béton. Cette entreprise permet aux producteurs de béton d’injecter dans le béton prêt à l’emploi du CO2 capturé par les compagnies de gaz industriel. Cela le rend plus résistant et permet aux producteurs de béton de réduire la teneur en ciment de leurs mélanges, tout en maintenant la résistance du béton. « C’est un excellent exemple de réussite dans ce nouvel espace », souligne Mme Rafelson.

La présidente de CarbonCure, Jennifer Wagner, affirme que le Canada s’impose comme chef de file mondial dans le domaine des technologies innovantes en matière de carbone.

« Cela est dû en grande partie à l’investissement du gouvernement dans la recherche et le développement de technologies propres, comme les technologies de capture et d’utilisation du carbone », déclare Mme Wagner, en faisant remarquer que le fait d’avoir une longueur d’avance offre d’énormes possibilités. « La contribution du Canada au développement continu des solutions technologiques mondiales en matière de carbone signifie que le Canada jouera un rôle important dans la réalisation des réductions d’émissions nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques et contribuer à la lutte contre les changements climatiques. »

Selon M. Philp, le SDC est un intermédiaire entre les entreprises en démarrage, les centres d’innovation et les autres programmes de recherche au Canada et les entreprises à la recherche de solutions pour réduire les émissions de carbone. « C’est très stimulant et cela correspond aux priorités du gouvernement du Canada, affirme‑t‑il. C’est une occasion incroyable et les technologies de valorisation du carbone sont un autre outil dans notre arsenal pour lutter contre les changements climatiques. »

Le Canada se fait déjà un nom dans le domaine de la valorisation du carbone, souligne M. Philp. Quatre des 10 finalistes du Carbon XPRIZE sont des entreprises canadiennes. Le concours est conçu pour trouver les meilleures technologies qui permettent d’éliminer le carbone de l’atmosphère et de le transformer en produits utiles. Il souligne que la moitié des finalistes effectuent leur déploiement technologique à l’Alberta Carbon Conversion Technology Centre (ACCTC), installation spécialement conçue à Calgary pour mettre à l’essai et faire progresser les technologies de conversion du carbone.

Selon Mme Rafelson, l’initiative C2V recherchera dans les mois à venir des applications provenant de jeunes entreprises axées sur le carbone et jouera un rôle d’accélérateur, en aidant les concepteurs de technologies à entrer en contact avec les grandes entreprises qui ont les ressources et l’accès au marché pour valider leurs offres.

Un programme d’accélération de 6 mois axé sur les technologies de valorisation du carbone suivra au début de 2021, affirme Mme Rafelson, qui estime que ces technologies sont essentielles compte tenu des défis que la pandémie de COVID‑19 pose aux entreprises et à l’industrie. 

« Alors que nous sortons graduellement de la pandémie de COVID‑19, il s’agit d’une stratégie axée sur l’avenir que de nombreux investisseurs examinent de plus près », ajoute‑t‑elle. « Il y a des possibilités de croissance. »

Une stratégie commerciale internationale pour les technologies du carbone

CarbonCure Technologies Inc. de Dartmouth, Nouvelle‑Écosse, est le chef de file mondial des technologies de capture et d’utilisation du carbone pour le béton.

CanadExport a demandé à Jennifer Wagner, présidente de l’entreprise, et à Kaja Salovsky, vice‑présidente du développement commercial, de parler de la stratégie internationale de CarbonCure, de l’aide qu’apporte le Service des délégués commerciaux (SDC) et des perspectives d’avenir.

Pouvez‑vous nous parler brièvement de la mission de CarbonCure?

Jennifer Wagner : CarbonCure a pour mission de décarboniser le béton et de réduire de 500 mégatonnes par an les émissions de carbone incorporé — c’est‑à‑dire les émissions associées aux matériaux de construction – provenant de l’environnement bâti.

En 2020, CarbonCure a été désignée comme l’entreprise nord‑américaine de l’année et a été inscrite dans le palmarès « Global Cleantech 100 » pour la cinquième année consécutive par le groupe Cleantech.

Quelle est votre stratégie mondiale?

Kaja Salovsky : Bien que l’expansion mondiale ait toujours fait partie de la vision de CarbonCure – puisqu’il s’agit d’une tactique clé pour atteindre l’objectif de réduction de 500 mégatonnes d’émissions CO2 par an —, nous nous sommes associés à des producteurs de béton aux États‑Unis et au Canada pour établir notre technologie commerciale avant de s’aventurer à l’étranger.

En novembre 2018, CarbonCure est entrée sur le marché de Singapour avec Pan‑United Concrete. Depuis lors, Pan‑United a installé la technologie de CarbonCure dans plusieurs usines, avec une expansion supplémentaire à l’horizon. De plus, en août 2019, nous avons formé une alliance stratégique avec le plus grand fournisseur de gaz industriel au monde, Linde, afin d’accélérer l’adoption de la technologie en Europe, au Moyen‑Orient, en Asie du Sud‑Est et en Océanie.

Comment le SDC et ses programmes vous ont‑ils aidé?

Kaja Salovsky : CarbonCure travaille en étroite collaboration avec les bureaux régionaux du SDC afin d’accéder au soutien des réseaux nationaux et internationaux du SDC pour mettre en œuvre sa stratégie d’expansion mondiale. Le SDC donne des renseignements commerciaux afin d’éclairer la stratégie commerciale internationale de CarbonCure et partage des initiatives sur le marché qui répondent aux objectifs de CarbonCure.

Avant la pandémie de COVID‑19, nous rencontraient régulièrement les délégués commerciaux à l’étranger pour évaluer sa stratégie d’entrée sur le marché. Maintenant, ces discussions se poursuivent virtuellement. Le réseau international du SDC a facilité un certain nombre de présentations clés à des partenaires potentiels sur les marchés prioritaires de CarbonCure, notamment les États‑Unis, Singapour, Taïwan et l’Espagne.

À l’avenir, nous chercherons à tirer parti des programmes virtuels du SDC, comme le programme Accélérateur technologique canadien à Hong Kong.

Quels défis et occasions la pandémie de COVID‑19 a‑t‑elle présentés?

Jennifer Wagner : Les solutions qui permettent de réduire l’empreinte carbone du béton sont essentielles pour parvenir à des réductions d’émissions substantielles à court et à long terme. Si la pandémie a ralenti la construction et les projets de construction, elle a également donné à un plus grand nombre de producteurs de béton le temps et la possibilité de chercher des solutions de réduction du carbone, comme la technologie de CarbonCure. Notre équipe innovante a adapté ses activités afin de servir ces nouveaux clients, effectuant les installations et le soutien technique à distance. Alors que les choses reprennent lentement, ceux qui veulent fournir du béton fabriqué avec la technologie de CarbonCure peuvent le faire sans problème.

Quels sont vos conseils aux autres acteurs du secteur?

Jennifer Wagner : Tout d’abord, je dirais que ceux qui travaillent dans le domaine des technologies du carbone doivent travailler avec des partenaires industriels pour faire sortir leurs idées du laboratoire et les faire passer dans le monde réel. Une fois que vous aurez mis votre science et votre technologie au travail, vous devrez innover du côté des entreprises, car les solutions doivent se suffire à elles‑mêmes. Essayez de ne pas vous fier aux subventions et aux mesures fondées sur le prix du carbone, car celles‑ci changent et ne sont pas durables. Comme nous l’avons vu avec CarbonCure, les solutions qui prennent rapidement leur envol ont une valeur environnementale et économique.

Des conseils particuliers dans le contexte de la COVID‑19?

Jennifer Wagner : Je conseillerais aux autres acteurs de mon secteur d’éviter d’attendre que les choses reviennent à la normale, car cela ne se produira pas de sitôt. Au lieu de cela, adaptez-vous maintenant. La bonne approche consiste à réfléchir d’abord à la manière de garantir la santé et la sécurité de toute votre équipe et d’en faire une priorité, puis de déterminer les considérations commerciales par la suite. Lorsque le virus est arrivé au Canada, CarbonCure a fait une pause de 2 semaines entières, ordonnant à tout le monde d’arrêter de voyager, de rester chez soi et de s’isoler. Ce n’est qu’après cette période que nous avons commencé à penser à la continuité des activités et à la manière de s’adapter aux nouvelles circonstances sur le plan opérationnel. Cela nous a donné l’occasion de réfléchir profondément à la façon de tirer le meilleur parti de ce temps d’arrêt. Le point positif qui est ressorti de cette période d’incubation est que notre équipe d’ingénieurs a trouvé le moyen d’installer notre technologie à distance. L’aide à l’installation à distance devient notre nouvelle norme, car elle nous oblige à simplifier et à numériser des processus auxquels nous n’aurions pas pensé auparavant.

Abonnez-vous à : CanadExport

Date de modification: