L'entreprise canadienne dont le produit est passé d'aucun utilisateur à un million d'utilisateurs en tout juste un an, et ce, dans 160 pays à l'échelle mondiale, donne l'impression que le succès est facile à atteindre. Pour Julia Rivard Dexter, cofondatrice et PDG d'Eyeread Inc., l'adoption internationale rapide de son jeu vidéo basé sur l'alphabétisation doit son succès au travail acharné, à l'aide reçue du Service des délégués commerciaux du Canada (SDC), ainsi qu'aux nombreuses leçons qu'elle a apprises.
Avec un parcours d'athlète olympique en kayak, Mme Rivard Dexter, âgée de 43 ans, avoue qu'elle est devenue entrepreneure « non par choix, mais plutôt par désespoir de cause ». Après avoir participé aux Jeux d'été de 2000 à Sydney en tant que canoéiste de vitesse, elle a étudié les beaux-arts, puis est devenue graphiste pigiste, travaillant chez elle à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, en tant que mère célibataire de trois jeunes enfants.
En 2003, elle a cofondé un incubateur d'entreprises appelé « Queen Street Studios », où des entrepreneurs indépendants à son instar pouvaient travailler ensemble de manière créative et avoir plus de légitimité dans leurs relations avec les clients. Cette coentreprise s'est avéré être un « désastre financier », affirme-t-elle, mais elle s'est davantage concentrée sur son « impact d'échelle » que sur ses actifs financiers. C'est grâce à cette entreprise si Mme Rivard Dexter a pu s'introduire au sein d'une communauté de personnes du secteur technologique qui « deviendrait plus tard le cœur de ma réussite », accélérant son intérêt et son acquisition d'expérience dans le domaine de l'innovation numérique.
Elle a établi un partenariat avec une entreprise de développement de logiciels afin de créer des sites web qui ont remporté des prix internationaux et est devenue plus tard le partenaire nord-américain de choix de Google dans le cadre du déploiement des applications Google pour entreprises.
Bien qu'elle ait dû surmonter plus d'un obstacle dans un domaine aussi nouveau, « l'expérience acquise sur la scène olympique m'a ouvert de nombreuses portes », et il était passionnant de rechercher des opportunités de R et D stimulantes. L'une d'entre elles portait sur le suivi des modèles de comportements oculaires afin d'identifier les enfants négligés en tant que lecteurs, en raison de dyslexie et d'autres troubles d'apprentissage.
En tant que mère, Mme Rivard Dexter était en mesure de reconnaître les difficultés de lecture des enfants. Son propre fils avait déjà du mal à lire dès son plus jeune âge. Poussée par ce constat et consciente de l'intérêt que tous les enfants portent aux jeux vidéo, elle a estimé que la transformation du « temps d'écran » en temps d'apprentissage pouvait maximiser le potentiel d'apprentissage. Cela a conduit à la création d'Eyeread, une société de technologie éducative qui développe des technologies d'alphabétisation numérique axées sur la recherche et destinées à tous les apprenants, indépendamment de leurs compétences ou leurs circonstances, sous forme de jeux vidéo.
« C'est une voie parallèle d'apprentissage en cours, et nous devons l'exploiter si nous voulons réaliser notre potentiel », explique-t-elle.
En 2014, Eyeread a lancé « Squiggle Park », un jeu vidéo destiné à enseigner les bases de la lecture aux enfants, de la prématernelle à la deuxième année. Le produit a été mis sur le marché deux ans plus tard, vendu aux écoles au moyen de licences et harmonisé avec le programme scolaire, avec la possibilité de s'adapter aux utilisateurs individuels « afin que chacun puisse rattraper son retard et atteindre la troisième année avec des compétences en littératie maîtrisées ». Dans l'espace d'un an, « Squiggle Park » a fait son chemin dans 20 000 écoles, principalement aux États-Unis et au Canada, où le jeu est également utilisé comme outil de lecture pour immigrants.
« Il s'agit vraiment d'une technologie emballante », ajoute Mme Rivard Dexter.
Afin d'aider les enfants plus âgés à acquérir de solides compétences en lecture, l'entreprise a lancé l'année dernière le jeu « Dreamscape », destiné aux jeunes de la deuxième à la huitième année. En raison de son modèle commercial convaincant, le jeu vidéo est mis gratuitement à la disposition des écoles, mais les parents peuvent ensuite inscrire leurs enfants à des abonnements mensuels ou annuels payés pour obtenir des « trucs super cool » à la maison. Cela permet de subventionner la technologie dans le système d'enseignement, affirme-t-elle, qui compte désormais de 20 000 à 30 000 nouveaux utilisateurs par semaine. Le jeu compte actuellement un million d'utilisateurs à l'échelle mondiale.
« La beauté de la technologie numérique, c'est que vous pouvez desservir des clients partout », souligne Mme Rivard Dexter, et son produit ne nécessite pas une équipe de vente importante. « Si vous concevez une technologie qui répond vraiment aux besoins des clients de manière élégante, le public ou les utilisateurs lui feront une place sur le marché, sans que vous n'ayez à la promouvoir. »
Aujourd'hui, Eyeread, qui exerce ses activités sous les noms de « Squiggle Park » et « Dreamscape », compte 12 employés avec des bureaux à Halifax et à Toronto. L'entreprise traite divers problématiques d'un pays à l'autre, telles que les différentes lois relatives à la sécurité et à la confidentialité des données, dit-elle, et leur éloignement peut parfois être difficile. Le SDC contribue à atténuer ce problème en lui fournissant des contacts qualifiés, des suggestions et des opportunités qu'elle n'aurait peut-être pas envisagés. Les délégués commerciaux l'ont également aidée à se repositionner.
« Leurs services contribuent à réduire le risque en matière d'investissement lors de l'exploration de nouveaux marchés », note-t-elle. « Le SDC est votre partenaire et veille à ce que vous ayez bien fait vos devoirs. »
L'une des premières expériences de Mme Rivard Dexter avec le SDC a eu lieu dans le cadre de son initiative Accélérateurs technologiques canadiens (ATC) à Boston, qui a permis à son entreprise de mener des affaires et d'organiser des déjeuners et des événements d'apprentissage. Elle affirme que son association avec l'initiative ATC lui a permis d'améliorer la reconnaissance de sa marque et d'accroître considérablement sa clientèle dans la région.
Le réseau du SDC lui a permis d'être invitée à des événements dans le secteur de la technologie partout aux États-Unis et lui offre une communauté de personnes avec lesquelles elle peut entrer en contact. « Chacun des représentants de missions du SDC avec lesquels j'ai travaillé m'a été d'une si grande aide. »
À Miami, le SDC a aidé à organiser la participation de son entreprise à l'événement « StartUp Alley » tenu à Orlando, en Floride. Elle y a remporté un concours de présentation de la meilleure nouvelle technologie novatrice, s'attirant des investisseurs en Floride et se méritant un kiosque à la conférence de l'année suivante.
À l'extérieur de l'Amérique du Nord, les renseignements sur le marché fournis par le SDC ont permis à Mme Rivard Dexter de mettre un frein à une campagne publicitaire qu'elle avait prévue dans un pays. Dans un autre pays, un délégué commercial lui a fait comprendre que les contacts qu'elle avait prévu de cibler étaient sans pertinence et lui a fourni de nouveaux contacts.
« C'est tellement un service précieux », ajoute-t-elle.
Un autre des défis consiste à s'assurer que la technologie s'aligne sur le programme d'enseignement dans des zones géographiques particulières. La vision à long terme de l'entreprise est de rendre ses jeux « adaptables » afin que les enseignants puissent y intégrer leurs plans de cours, explique Mme Rivard Dexter. « De cette façon, tout enseignant, où qu'il soit dans le monde, peut créer du contenu et le mettre sur la plateforme, et toute personne peut y accéder et y jouer à son niveau. »
De telles idées sont nées de la « diversité des voix » autour de Mme Rivard Dexter, qui, selon elle, est unique aux femmes entrepreneures.
« En tant que femme, je ne me suis pas lancée avec des préjugés sur la forme que devrait prendre une équipe », dit-elle. « Vous devez avoir des perspectives diverses qui construisent votre produit. Et si vous exportez vers le marché mondial, vous devez comprendre ce marché. »
Selon elle, un obstacle majeur pour les femmes d'affaires est l'obtention de financement pour faire évoluer leurs entreprises. « Je crois qu'il y a des obstacles au moment de rencontrer les investisseurs, lesquels sont presque toujours des hommes blancs », dit-elle. « La barre est placée plus haute lorsqu'il s'agit d'une femme qui présente son produit. »
Les femmes doivent d'abord créer leurs entreprises et ensuite « prouver qu'elles ont du succès », dit-elle. « Les investisseurs doivent voir des résultats concrets. » Sa stratégie a consisté à « gagner une réputation organique à l'échelle internationale », notamment par l'entremise des systèmes scolaires du Texas, de la Floride et de la Californie, où son produit a connu un énorme succès.
Le SDC a été un « point de contact amical sur le terrain » dans ces endroits. « C'est un groupe de personnes qui comprennent le marché et qui sont là pour vous aider. C'est un vrai cadeau du ciel en tant qu'entrepreneur », déclare Mme Rivard Dexter, qui envoie à un certain nombre de délégués commerciaux régionaux des mises à jour trimestrielles sur la réussite de son entreprise.
« C'est incroyable de diriger une entreprise qui a ce genre d'impact », déclare-t-elle. Il est particulièrement gratifiant d'entendre des parents dire que ses produits aident des enfants comme son fils (qui est aujourd'hui un élève de 16 ans inscrit au tableau d'honneur) à « développer une passion pour la lecture ».
Aujourd'hui mère de quatre enfants âgés de 5 à 18 ans, Mme Rivard Dexter déclare que l'une des leçons importantes qu'elle a apprises en tant qu'entrepreneur a été de surmonter le sentiment d'être divisée entre son entreprise en pleine croissance et sa famille grandissante.
« J'ai appris à me déculpabiliser, et cela m'a libérée à la fois en tant que femme d'affaires et en tant que mère », dit-elle. « On ne prend pas toujours conscience de ce phénomène lorsque les enfants sont jeunes. »
Quelle est la prochaine étape? « L'élargissement de notre base d'utilisateurs est notre priorité absolue », explique Mme Rivard Dexter, qui a appris du sport que « la concentration est essentielle ». Elle espère que « Dreamscape » atteindra 3 à 6 millions d'utilisateurs l'année prochaine, ce qui créera un « marché pour le contenu » et mènera à de nouveaux jeux. « Cela transforme totalement la façon dont nous pouvons offrir une éducation aux enfants. »