Comprendre la loi visant à contrer les sanctions étrangères adoptée par la Chine : ce que les entreprises canadiennes doivent savoir

Alors que les tensions géopolitiques continuent de façonner la dynamique du commerce et de l’investissement à l’échelle mondiale, les entreprises canadiennes qui exercent des activités en Chine ou avec celle-ci doivent demeurer vigilantes quant à l’évolution de la portée de la Loi visant à contrer les sanctions étrangèresi (LCSE) adoptée par la Chine.

Promulguée le 10 juin 2021, la Loi visant à contrer les sanctions étrangères permet aux autorités chinoises d’imposer des sanctions de rétorsion à l’encontre de personnes, d’organisations et de gouvernements perçus comme soutenant ou mettant en œuvre des mesures discriminatoires à l’encontre de la souveraineté, de la sécurité ou des intérêts en matière de développement de la Chine.

Le 23 mars 2025, la Chine a substantiellement élargi ce cadre en publiant les Dispositions relatives à la mise en œuvre de la Loi visant à contrer les sanctions étrangères. Ces nouvelles règles (actuellement en vigueur) : 

  • renforcent les capacités d’application de la Loi;
  • officialisent les pouvoirs d’enquête;
  • établissent des sanctions non économiques. 

Qu’est-ce que la loi visant à contrer les sanctions étrangères (LCSE)?

La Loi visant à contrer les sanctions étrangères est un outil juridique créé pour contrer les sanctions étrangères qui visent les citoyens, les entreprises ou les intérêts de l’État chinois. Elle a été adoptée en réponse au nombre croissant de sanctions imposées à la Chine concernant des questions telles que les droits de la personne, les pratiques commerciales et la sécurité nationale. Contrairement à la plupart des mesures législatives chinoises liées au commerce, la LCSE est administrée par le ministère des Affaires étrangères.

Qui peut être visé par la LCSE et pourquoi?

En vertu de la LCSE, les autorités chinoises peuvent imposer des contre-mesures à l’encontre d’un large éventail de personnes, d’organisations et d’institutions étrangères. 

Les entités et particuliers suivants peuvent entre autres être ciblés :

  • les personnes qui, directement, participent à la mise en œuvre de sanctions étrangères ou d’actions discriminatoires à l’encontre de citoyens ou d’entités chinoises, ou en sont responsables;
  • les entités affiliées ou offrant du soutien à des personnes ou organisations faisant l’objet de sanctions;
  • les conjoints et les membres de la famille directe des personnes désignées.

Les sanctions peuvent également être déclenchées par des actions plus générales que la Chine juge préjudiciables à ses intérêts nationaux, notamment ce qui suit :

  • soutenir ou faciliter des sanctions étrangères contre des entités chinoises;
  • s’ingérer dans les affaires intérieures de la Chine (comme les questions liées à Hong Kong, à Taïwan ou au Xinjiang);
  • porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux objectifs de développement de la Chine.

Il convient également de noter que la Loi considère désormais les décisions judiciaires et les mesures d’exécution étrangères comme étant des motifs légitimes de représailles. Cela signifie que des décisions judiciaires ou des mesures prises à l’étranger, même celles émanant de tribunaux indépendants, peuvent entraîner des sanctions de la part de la Chine si elles sont perçues comme portant atteinte aux intérêts chinois.

Liste de contre-mesures pouvant être prises en vertu de la LCSE

La liste des contre-mesures a été étendue bien au-delà des sanctions commerciales ou financières. Elles comprennent désormais les suivantes :

  • refus de visa;
  • interdiction d’entrée;
  • expulsion;
  • annulation de visas;
  • gel des avoirs;
  • saisie de biens;
  • interdiction d’investissement;
  • interdiction d’exportation;
  • restriction sur le transfert de données;
  • interdictions de coopération dans divers secteurs, p. ex. :
    • éducation et recherche;
    • droit et services juridiques;
    • initiative environnementale;
    • culture et divertissement;
    • santé, tourisme et sport;
    • commerce et technologie.

Enquêtes et risques juridiques

Les autorités sont désormais explicitement habilitées à :

  • mener des enquêtes et des entrevues avec les entités faisant l’objet de sanctions ou qui leur sont affiliées;
  • demander des informations et des dossiers;
  • faire respecter la conformité par des sanctions administratives.

Ce régime expose les ressortissants étrangers présents en Chine à de nouveaux risques juridiques et à la réputation.

Mécanismes de mise en œuvre et de coordination

Plusieurs agences chinoises coordonneront désormais l’application des dispositions de la LCSE. Chacune d’entre elles assume des responsabilités bien définies en ce qui concerne l’établissement de la liste de particuliers ou d’entités faisant l’objet de sanction, l’exécution des enquêtes, l’échange d’informations entre différents ministères, et les relations avec les gouvernements étrangers. Le ministère des Affaires étrangères conserve l’autorité centrale, mais la mise en œuvre sera décentralisée et potentiellement plus proactive que par le passé.

Recours juridiques et appels

Les entreprises et les citoyens de la Chine faisant l’objet de sanctions étrangères peuvent demander des injonctions ou des compensations auprès des tribunaux chinois. Les entités ou particuliers étrangers visés par des sanctions peuvent demander la suspension ou l’annulation des contre-mesures s’ils peuvent démontrer qu’ils ont pris des mesures correctives, qu’ils ont modifié leur politique et qu’ils ont cessé de s’adonner au comportement à l’origine des sanctions.

Principaux risques pour les entreprises canadiennes

Les entreprises, les cadres ou les personnes affiliées du Canada pourraient être ciblés s’ils sont perçus comme soutenant des sanctions étrangères à l’encontre d’entités chinoises, voire en raison de leur coopération avec des partenaires étrangers visés par des sanctions. Le droit d’interjeter appel est entièrement laissé à la discrétion des autorités chinoises, et les demandes en ce sens ne font pas l’objet d’un examen judiciaire indépendant. 

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